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ESMOD Tunis ouvre la mode sur le monde

Dernière mise à jour : 14 nov. 2022

Entre quête de sens, exploration des racines et culture du progrès, la mode tunisienne – qui a montré son effervescence créative lors de la réunion internationale d’ESMOD à Tunis – refuse les stéréotypes tout en prônant le désenclavement des genres et des disciplines.



La créatrice Baraa Gara, ancienne etudiante ESMOD Tunis a fondé en 2019 son label éponyme à Monaco. Ses collections prônent une mode responsable, basée sur la qualité des étoffes et l’artisanat local.


Sefseris luxueux aux teintes inattendues, jabbas revisitées qui concilient les principes esthétiques érigées par Yamamoto et l’ampleur traditionnelle des abayas, riches imprimés qui explorent toutes les expérimentations iconographiques de l’art contemporains, patchworks multicolores qui empruntent avec vivacité l’allégresse des tissus africains et des batik javanais, déconstructions lapidaires et superpositions équivoques qui refusent l’assignation des genres pour composer une silhouette taillée pour le progrès sans renier ses racines : les silhouettes qui s’égrènent lors du défilé de présentation des collections de la promotion 2022 à Tunis proclament l’étendue d’une créativité protéiforme et la profondeur d’une curiosité universelle.


Mi-octobre, ESMOD Tunis recevait la réunion internationale du groupe dont elle est depuis 1988 un acteur essentiel. Fondée en 1988 par Aicha Mounira Rassass, qui avait auparavant exercé son talent au sein des ateliers Pierre Cardin, l’école sert en effet d’écrin aux jeunes talents de la scène tunisienne. Ces talents sont nombreux. Suivant les pas d’Azzedine Alaia, les élèves et les alumnis, démontrent chaque année la richesse d’une scène créative qui met à profit les enseignements prodigués par l’école pour mieux exprimer sa vivifiante singularité.


Au premier plan des équipes pédagogiques figure Bouchrara Dorsaf, qui a elle-même suivi le cursus de stylisme-modélisme à ESMOD. En phase avec son époque, la designer tunisienne passionnée de mode, qui a notamment collaboré avec le grand créateur Salah Barka, avait impressionné les professionnels en 2013 avec son projet de fin d’étude s’ordonnant autour de la spiritualité et de la philosophie. Son travail est à l’image d’une scène créative qui refuse les stéréotypes et manifeste un sens remarquable de l’équilibre.


« Le fil est l’âme du vêtement »



Au sein de cette scène, brille notamment le talent de Baara Gara, qui a fondé son label éponyme après avoir représenté la Tunisie en 2010 à la Maison Méditerranéenne des Métiers de la Mode. L’ancienne étudiante d'ESMOD Tunis y rencontre Jean-Jacques Picart qui l’encourage à développer les tissages. Un conseil en adéquation avec l’aptitude de la créatrice à favoriser dans ses collections le travail du fait-main et l’authenticité des matières. L’allure élégante, intemporelle et cosmopolite prônée par Baara s’exprime dans des silhouettes qui font revivre les savoir-faire traditionnels de son pays natal et qui fait vivre des artisanes locales. « Grace à elles, je peux laisser libre cours à ma créativité en sélectionnant moi-même le fil, qui est l’âme du vêtement ». Signe éclatante de reconnaissance internationale, Leila Menchari, magicienne des vitrines Hermès, a notamment commandé les grandes étoles tissées de l’alumni pour les décors du Faubourg Saint-Honoré. Depuis, les créations de Baara, qui a fondé sa société à Monaco, ont été propulsées dans des concepts stores prestigieux tels que ABC New York ou Tomorrowland.


« Il faut se donner la permission d’utiliser tous les supports »


Ayoub Moumen, ancien étudiant d’ESMOD Tunis, est un "artiviste" qui mène une reflexion pluridisciplinaire sur le vetement comme support narratif.

Photo : défilé-performance - 24 silhouettes / 40 pièces, présenté le 1er novembre 2019 dans le cadre du festival Visions d’exil au Palais de la Porte Dorée - Musée national de l’histoire de l’immigration, Paris


Ayoub Moumen incarne quant à lui le visage militant de ce tourbillon créatif. Le créateur et le directeur artistique de la marque de vêtements Refuge Engaged Wear (R.E.W Paris), militant dans le mouvement LGBTQ++ au sein du monde arabe forge sa vision dans la théatralisation de l’espace qui met en scène ses productions matérialisant des réflexions sur l’exil, l’identité personnel et politique. Les étoffes recyclés et réédifiées à grands coups de ciseaux lapidaires parlent avec éloquence de l’intégrité du corps et de la necessité du nouveau départ. Une production qui cristallise avec vigueur l’indispensable désenclavement des disciplines. «C’est l’accomplissement d’une multitude de supports différents qui emmène une création. Quand tu es artiste, tu es libre de passer toute ta vie dans ta discipline, mais tu as aussi la possibilité de te permettre d’utiliser tous les supports autour de toi. Il faut s’en donner la permission. » indique l’ancien étudiant d’ESMOD Tunis. Grace à la diversité des styles qu’elle met en lumière et à la vigueur de son industrie textile (la valeur des exportations est en hausse de 11,69 % cette année), la scène créative tunisienne, propice par essence à la mixité, s’inscrit assurément dans un mouvement qui lui permet d’être en prise avec la modernité.



« A contresens », performance-action d’Ayoub Moumen, Janvier 2021, Paris





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