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o92 Studio : l’étoffe d’une passion

Updated: Apr 27, 2022

Plusieurs fois par an, Olivier Bonnin parcourt la France, sous toutes ses latitudes. De ses pérégrinations qui ont parfois l’allure d’un parcours du combattant, l’ancien étudiant d’Esmod Lyon rapporte des souvenirs qui l’enchantent, mais aussi et surtout de précieuses rencontres avec des tisserands qui, au sein de leurs exploitations de taille souvent modestes, produisent des étoffes de qualité remarquable qui font la joie des clients de o92 Studio.



« O pour Oliver, 92 pour mon année de naissance. C’était le nom de ma collection de fin d’année présentée en 2014. Elle était inspirée des poutrelles de construction. C’est ensuite devenu le nom de ma marque de vêtements à ma sortie de l’école. Ce nom m’a toujours suivi : il a eu plusieurs vies et il incarne aujourd’hui mon studio de sourcing textile spécialisé dans les textiles français » résume avec conviction et aisance le jeune entrepreneur de 29 ans.


Le parcours d’Olivier séduit par son aptitude à la curiosité, son penchant pour l’aventure et son gout pour l’analyse. Des capacités innées qui lui ont toujours valu le surnom de Monsieur Question de la part de ses anciens compagnons de classe : « cette réputation vient du fait que j’ai enchainé rapidement les missions à la sortie de l’école. Je crois qu’on appréciait mon élan vital, le fait que je travaille un jour an Angleterre, un autre en Allemagne. On se tournait naturellement vers moi pour trouver des solutions. A ceux qui étaient en proie au doute, je répondais : si je peux le faire, tu peux y arriver aussi.»

Cette vaillance a permis au jeune homme, qui a grandi une partie de son adolescence en Allemagne, d’étudier avec lucidité et clairvoyance les péripéties de son parcours professionnel afin de mieux définir ses forces et ses envies. « En Allemagne, mais aussi globalement dans les pays du Nord, l’enseignement national est souvent consacré aux activités manuelles. Le choix est vaste : vannerie, poterie, on apprend à faire le ménage. C’est ainsi qu’à 13-14 ans, je me suis retrouvé à réaliser des costumes de théâtre avec une aiguille et une ancienne machine à pédale qu’il fallait remuer dans tous les sens. J’imagine que c’est ce qui m’a conduit à Esmod. A l’école, Alain Boix ( le directeur de l’établissement) m’a demandé : que veux-tu faire plus tard : une incitation à trouver sa véritable vocation. J’ai répondu : je veux travailler dans le textile. »




Cette vocation, conciliant activité manuelle et créative, Olivier l’a ciselé avec patience. Après Esmod, j’ai effectué un stage durant six mois en Allemagne, chez Ethell Vaughn qui propose du streetwear, de la demi-mesure et des tenues évènementielles. Je tenais le showroom qui était dans l’atelier : j’accueillais la clientèle, tout en participant à la confection. Un stage polyvalent. En rentrant en France, je me suis dit : pourquoi pas moi ? Nous sommes en 2015 : o92 Clothing vit sa première incarnation. Je créée une marque de basique sportswear, des sweats et des manteaux. Une première expérience intéressante d’autant plus que j’avais réussi à obtenir de la part d’un tisserand des rouleaux de tissus de 12 mètres ce qui convenait parfaitement à la nature de mon activité. Je garde un très bon souvenir de cette période, notamment un défilé caritatif en Ecosse devant 1 500 invités. »


Cette première étape entrepreneuriale fut suivie d’une expérience en boutique qui dura plusieurs années. En tant que responsable d’un magasin indépendant spécialisé dans la chaussure, Olivier apprend à tenir un magasin, à gérer le personnel, à s’occuper du recrutement et des achats. « C’était très formateur, et surtout cela m’a permis de réunir un petit capital pour ressusciter o92 Clothing : des vestes en jeans 100% français. » Premier écueil : trouver un fournisseur – français- qui propose un produit aussi sophistiqué qu’un jean américain ou japonais. « Je suis tombé sur un autodidacte dans le nord de la France, le seul à exercer cette activité dans l’hexagone. Je vendais les vestes que je fabriquai, de la coupe en passant par le modélisme, 400 euros. J’avais même réussi à trouver une machine boutonnière à oeillet REECE 101, un modèle mythique. J’avais mis toutes les chances de mon côté en élaborant, avec ma compagne photographe, une véritable image de marque. »




Les pré-commandes autorisent de bons espoirs qui sont malheureusement annihilés par l’épidémie de Covid débutant en Asie. « Les incertitudes concernant les envois, les douanes, les postes, ont redessiné les attentes et les priorités des acheteurs. Dans toutes activités, il y a un facteur chance qu’on ne maitrise pas » analyse rétrospectivement Olivier avec une lucidité dans laquelle il puise paradoxalement les ressources du rebond : « C’est ma manière de fonctionner, je ne me focalise pas sur l’échec. J’essaie au contraire d’extraire les éléments positifs d’une expérience. Rien que d’avoir mis en place ce projet autour du jeans, un projet qui me tenait à cœur depuis 5 ans, je trouve ça formidable et je suis heureux de l’avoir fait. Et pour la suite, je me dis toujours : tu peux rebondir. »


Et quel rebond ! « J’ai commencé à réfléchir à ce que je pouvais proposer aux autres. J’ai donc rassemblé mes acquis pour élaborer une gamme de services : conseils en confection, en achat et en merchandising ». Un service pourtant va faire la différence : conseil en sourcing textile. Olivier venait sans le savoir de miser sur la formule gagnante conciliant sa passion et ses compétences. « Un premier mail arrive, un deuxième, un troisième. Mon premier client était un entrepreneur belge. Il m’a dit : j’ai une collection de prêt à porter à faire, mes délais sont très serrés. Avez-vous des choses à me proposer. La machine était lancée. »



Olivier synthétise avec une clarté parfaite sa situation : « Ce qui me fait dire que je suis dans la bonne voie, c’est que les choses s’enchainent avec fluidité, même si évidemment, les difficultés sont nombreuses. Je réponds à une problématique qui est récurrente dans le textile : les tisserands sont généralement excentrés dans des coins perdus. Beaucoup n’ont pas de site internet, et n’ont pas la culture de la communication. Souvent, ces petits fournisseurs ne vont pas sur les salons comme Première Vision pour de multiples raisons. Mon rôle consiste à trouver ces tisserands - et je préciserai même : les bons tisserands (car tous ne passent pas le cahier des charges que je me suis préétablis) - puis à proposer ma sélection à une clientèle venue de tous horizons. Je crois être le seul aujourd’hui en France à m’être focalisé uniquement sur cette activité qui réclame du temps pour atteindre l’excellence.


Quelques chiffres (ils sont accessibles sur le site internet, très bien fait, d’092 Studio) : « j’ai à peu près 3000 à 4000 références textiles. Principalement des matières naturelles : du coton, du lin, du chanvre, de l’ortie, du cuir de poissons, des laines. Pour trouver ces fournisseurs, je fais beaucoup de recherche pure : je passe mes journées sur la route quand je ne suis pas sur google maps. Je rencontre des gens formidables qui m’expliquent leur métier avec plaisir et qui sont heureux qu’une nouvelle génération s’interesse à leur activité. Je l’avoue, je trouve ça magique de chercher des tissus dans des coins isolés et inattendus, dans la montagne parfois. Je me rappelle encore de ma surprise quand, durant la pandémie, après avoir fait mille kilomètres pour aller dans les Cévennes, vers Toulouse, je me retrouve au milieu de nulle part : une paysage vierge ou se dressait un hangar. Et dans ce hangar : 14 rutilantes machines à tisser produisant des étoffes remarquables. Souvent quand je reçois un paquet contenant de beaux tissus qui m’émerveillent, je retrouve mon âme d’enfant. »




La clientèle d’O92 Studio est principalement constituée de marques de prêt à porter auxquelles Olivier apporte des solutions clé en main propre à chaque problématique textile, que ce soit en ce qui concerne les quantités de commande, les délais de fabrication, la transparence sur les provenances des fibres. « Je propose aussi du textile pour de l’accessoire et j’ouvre actuellement sur l’ameublement et la décoration. Le métier de tisserand est difficile : j’en rencontre quelques-uns qui ont mon âge mais ce sont des extra-terrestres : ils apprennent seuls en se servant de vieux cours transmis par des artisans partis à la retraite. » Cette constatation n’empêche pas l’irréductible optimisme d’Olivier de s’exprimer : « Je crois dans cette activité d’autant plus que paradoxalement, l’épidémie a pour beaucoup d’entre nous réactiver le gout du bel ouvrage qui passe par une relation intime avec la belle matière qui raconte un terroir et un savoir-faire. Après les dégâts de la fast fashion et de la délocalisation, je crois que la filière est en train de se réveiller : on le voit avec l’émergence de coopératives agricoles. Il y a un réel intérêt pour le made in France, mais aussi un regain d’affection pour les activités qui ont du sens. »



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