Dans le cadre de sa Earth Week 2022, ESMOD vous invite Ă un atelier dâexception. Bruno Berthoumieux, maitre pastelier au ChĂąteau des Plantes, raconte la teinture naturelle au Pastel et dirige quelques expĂ©riences pratiques avec cette plante essentielle. Rencontre.
Bruno Berthoumieux, Directeur de Pastel de la Serre
PassionnĂ©, Bruno Berthoumieux est nĂ© dans une belle demeure : le chĂąteau de La Serre Ă Cambounet-sur-le-Sor dans la rĂ©gion de Toulouse. Sur les terres de cette propriĂ©tĂ© familiale depuis 1800, il cultive une plante magique, le Pastel, capable de teindre en bleu de façon naturelle tous les textiles. Cette plante traditionnelle du Pays de Cocagne faisait travailler dans la rĂ©gion jusqu'Ă 250.000 personnes au XVIe siĂšcle. Les cĂ©lĂšbres tours dâorgueil âou tours capitulaires- de la rĂ©gion toulousaine sont ainsi nĂ©es des fortunes accumulĂ©es grĂące au Pastel. Un artisanat remplacĂ© aujourdâhui par la teinture industrielle, ses coloris chimiques et les dĂ©sastres Ă©cologiques qui ont accompagnĂ© cette Ă©volution. « ExtrĂȘmement polluante la teinture des jeans, telle quâelle est pratiquĂ©e aujourdâhui, nĂ©cessite par exemple quelques 5000 litres dâeau par piĂšce ! » sâinsurge Bruno Berthoumieux.
Le chaÌteau de la Serre est situeÌ au cĆur du Domaine du Pastel de la Serre
« Notre ligne de conduite depuis 12 ans avec Pastel de la Serre câest la teinture vĂ©gĂ©tale Ă lâancienne, prĂ©cise-t-il. Ici, la rĂ©duction se fait de façon naturelle grĂące au fructose qui est Ă©galement hypoallergĂ©nique. Ceci produit des bleus trĂšs clairs et irrĂ©guliers, trĂšs pastels justement, contrairement aux procĂ©dĂ©s utilisant des hydro-sulfites qui produisent des bleus trĂšs vifs ». Câest pourquoi les jeans industriels dâaujourdâhui ne peuvent atteindre les coloris clairs que grĂące Ă des opĂ©rations de lavages et dĂ©lavages trĂšs consommateurs dâeau et dâĂ©nergie.
Quelques exemples d'eÌcharpes teintent naturellement au Pastel
AprĂšs des Ă©tudes de technicien agricole et avec lâenvie de reprendre les terres familiales, Bruno Berthoumieux fait dâabord un passage par le marketing, en vendant des engrais naturels. Il rejoint ensuite le site familial oĂč son frĂšre avait dĂ©jĂ lancĂ© une entreprise de crĂ©ation dâhuiles essentielles. En 2010, la fratrie dĂ©cide de se lancer dans la culture et lâextraction du Pastel.
Plante indigofĂšre comme le colza, le Pastel nĂ©cessite cependant des grandes quantitĂ©s de feuilles (ici ce nâest pas la fleur qui sert Ă la teinture). Avec une tonne de feuilles, on extrait environ un kilo de pigment. Mais contrairement Ă la plupart des teintures vĂ©gĂ©tales, le Pastel nâest pas soluble dans lâeau et ne nĂ©cessite donc pas de fixatif chimique. Câest lâoxydation, au contact de lâair, qui fait naitre les beaux bleus pĂąles des teintures au Pastel.
Un champs de Pastel au Domaine de la Serre
« Aujourdâhui, il nây a quâun petit marchĂ© touristico-Ă©cologique pour le Pastel constate Bruno Berthoumieux. Sur notre site nous faisons des visites historiques, nous racontons la culture du pigment, sa technique, mais nous ne faisons que peu de teinture Ă façon car ce nâest pas une opĂ©ration trĂšs compĂ©titive. Ici, il faut compter environ 10⏠par piĂšce teinte. Contre 1,50⏠pour une teinture chimique⊠Cependant, ce procĂ©dĂ© reste trĂšs apprĂ©ciable sur de petites sĂ©ries de piĂšces, pour des produits qui se dĂ©finiraient plus haut de gamme. Pour rendre rentable la culture du Pastel, il faudrait bien entendu la breveter et la protĂ©ger ».
Bruno Berthoumieux, MaĂźtre Pastelier en action
DĂ©jĂ reconnu comme Patrimoine ImmatĂ©riel Français par le ministĂšre de la culture depuis un an, le Pastel du ChĂąteau des Plantes est cultivĂ© avec une traçabilitĂ© digne de lâindustrie cosmĂ©tique. Cette plante peut prĂ©tendre Ă une future AOC par exemple (Appellation dâOrigine ContrĂŽlĂ©e). Avec ses cuves de 800 litres, le site de distillation travaille ainsi dĂ©jĂ pour le groupe pharmaceutique Pierre Fabre par exemple.
« Notre politique est de ne travailler ici quâavec des produits locaux, poursuit Bruno. MĂȘme les tissus que nous utilisons doivent provenir dâune production locale. Depuis deux ans je me bats pour produire une Ă©charpe en laine du Tarn, tissĂ©e Ă Castre, confectionnĂ©e Ă Carmaux et teinte chez nous donc, Ă Cambounet-sur-le-Sor. Une rĂ©ussite. Une autre Ă©charpe est rĂ©alisĂ©e en 60% chanvre et 40% coton. Son chanvre est cultivĂ© Ă Cahors et nous avons le mĂȘme projet avec du lin. Lâessentiel est aussi de prĂ©server un sourcing intĂ©gralement bio ».
« Le pastel raconte lâhistoire du Pays de Cocagne, conclu Bruno Berthoumieux. Avec cette technique unique je ne veux pas me lancer dans lâindustrie, mais rester dans le haut de gamme afin de prĂ©server le cĂŽtĂ© naturel de chaque produit ».
Pour dĂ©couvrir lâhistoire passionnante et le savoir-faire du Pastel, rendez-vous Ă ESMOD du 3 au 6 Mai 2022.
12 rue Catherine de La Rochefoucauld, 75009 Paris.